Alain Bashung, il y a trente ans, avait « osé » transbahuter la chanson française de Memphis jusqu’à Bruxelles (Osez
Joséphine), Adé va faire le chemin inverse, ou presque. Elle n’est jamais allée aux Etats-Unis, mais elle rêve de pedalsteel, de dobro, de banjo, de mandoline et d’harmonica. Cap alors sur Nashville, où avec Romain Descampe elle prend ses quartiers dans les chaleureux studios Sound Emporium, là où avant elle d’éminentes figures du folk et de la country, de Emmylou Harris à Willie Nelson, ont fait vibrer les lambris. Trois jours en compagnie des locaux Pat McGrath et Dan Dugmore et leurs instruments roots, sous la surveillance de Chad Carlson à la console (deux Grammys sur la cheminée pour le Fearless de Taylor Swift) auront suffi à Adé pour accomplir en accéléré ce rêve américain, qu’elle prolonge par un road-trip du Nouveau Mexique jusqu’à Los Angeles en passant par les plaines cinématographiques de l’Arizona. Les images des films défilent, Telma et Louise, Point Break, Rencontres à Elizabethtown de Cameron Crowe et sa B.O. dingue qui accompagne ce voyage initiatique. Le Cavalier électrique de Sydney Pollack, avec Robert Redford, inspire sur place le clip « in musicolor » réalisé par Stéphane Barbato pour Tout savoir, premier extrait qui donne la couleur d’un album de toutes les transfigurations. « J’me dirais à moi-même, que si j’me reconnais pas, que si je ne suis plus la même, c’est peut-être grâce à moi » se persuade-t-elle, et elle à ô combien raison. A cheval entre pop luxuriante et country futuriste, Adé a trouvé le bon galop, traversant en Amazone, avec justesse, aplomb et un rien de candeur, les multiples paysages de l’amour et ses météos changeantes, ses zones de turbulences et ses accalmies solaires. Dans une atmosphère de saloon perdu sous la lune, elle chante, mélancolique, « les coeurs brisés vous souhaitent une bonne année », mais les années qui s’ouvrent pour Adé s’annoncent assurément radieuses.